« L’Appétit des Indigestes » est une troupe de théâtre qui s’interroge sur la vision qu’une société a de la normalité et de la folie.
Cette troupe se veut être un pont entre différentes personnes : ceux que l’on dit fous, ceux qui ne se sont jamais posés la question de leur folie, des artistes confirmés ou débutants, des soignants, des soignés, des exclus ou des inclus de tous bords. « Digestes » ou « indigestes », ils sont tous animés par un appétit de jouer ensemble.
Ce projet est né de la rencontre entre un acteur ayant eu un parcours en psychiatrie et une psychologue et metteuse en scène. En octobre 2013, un atelier théâtre démarre dans les locaux du service de santé mentale « la Gerbe ». Des acteurs, amateurs ou professionnels, soignants ou soignés se réunissent tous les vendredis après-midi autour d’un travail d’improvisation et d’exercices théâtraux sous l’impulsion de leur metteuse en scène : Sophie Muselle. L’atelier est ouvert à tous.
Petit à petit l’envie de présenter un spectacle chemine. A partir d’extraits d’interviews et des textes écrits par Pierre Renaux, Sophie Muselle écrit un premier spectacle: « L’Homme d’onze heure moins le quart ». Ce spectacle, joué d’abord au Pianocktail circule et est présenté dans divers lieux : festivals, hôpitaux, colloques, journées d’étude. La compagnie sort alors des murs du centre de santé mentale pour constituer une troupe de théâtre et se donne un nom « L’Appétit des Indigestes ». Elle se transforme aussi en ASBL.
En octobre 2015, commence l’écriture d’un second spectacle « Eux ». Sophie Muselle dirige d’abord des ateliers d’écriture avec les gens de la troupe, sur le thème de l’institution psychiatrique, et écrit le spectacle à partir des textes récoltés et du récit de vie d’une infirmière en psychiatrie. En novembre 2016, les ateliers d’écriture reprennent et les textes collectés servent de matière pour écrire le spectacle «Anosognosies ». Les trois premiers spectacles forment une trilogie qui interroge la question de la folie et de la normalité en partant du plus intime, l’histoire d’une personne pour aller vers le plus universel : la folie de la société en passant par la folie de l’institution et de l’enfermement. En 2018, commence l’écriture d’un quatrième spectacle, « Icare », sur le thème de la responsabilité et de l’enfermement. Ce spectacle sera écrit à partir d’atelier d’écriture sur les parts d’ombre de chacun et du récit de vie d’un homme qui a passé plusieurs mois en défense sociale. En 2020, en pleine période de confinement, la troupe écrit par téléphone des textes qui serviront de base pour le cinquième spectacle, » Interstices » qui offre un regard oblique sur la crise. De ces textes recueillis par téléphone, naitra un spectacle, mais aussi un ouvrage collectif coordonné par Sophie Muselle et illustré par Denis de Wind. En 2021, un nouvel atelier d’écriture démare, sur la question du corps, de la féminité et de la folie. Les textes récoltés permettent à Sophie Muselle d’écrire « Elles », un spectacle polyphonique autour des plaisirs et souffrances lié au corps. En 2023, des ateliers d’écriture autours des questions de la mort et du suicide ont commencés. Et le spectacle « Ouroboros » a vu le jour, il est actuellement en cours de répétition.
La troupe est actuellement composée d’une trentaine de comédiens ayant des expériences très variées du théâtre et de la psychiatrie, la troupe est ouverte à tous, quels que soient le parcours de vie, les forces et les faiblesses de la personne. La seule condition pour rentrer est d’avoir l’envie de créer un spectacle autour des questions de folie et de normalité. Le rôle de la metteuse en scène est d’aider chacun à déployer sa créativité et à apporter quelque chose à la troupe avec ce qu’il est et là où il en est. Chacun prend une part active dans la construction de ce projet commun dont l’objectif est de remettre en question les étiquettes et de mettre en lien autour du jeu théâtral des personnes d’horizons très différents.
« L’Appétit des Indigestes » se réunit au Pianocktail tous les mercredis entre 18h00 et 20h00 et les vendredis entre 14h00 et 16h00.
Dans le contexte actuel, où les différences, quelles qu’elles soient, font souvent peur, il nous semble nécessaire de faire tomber certains murs afin de déstigmatiser et d’offrir à tous un espace, un temps, un moment où le regard de l’autre n’est pas conditionné par un diagnostic posé ou une étiquette préétablie. La démarche de la troupe est une démarche politique plus que thérapeutique Il s’agit d’interroger la vision que notre société a de la normalité. Nous ne voulons pas que la scène soit un lieu d’étalage de souffrance nue, mais comme la création se fait par et avec des personnes porteuses d’une certaine fragilité, qui les détruit par moment, mais qui les anime également, nous ne voulons pas oublier, nier ou effacer cette fragilité. Notre pari est d’utiliser nos failles et nos fractures comme autant de richesses dans l’acte créatif. Nous souhaitons avant tout créer un mouvement entre celui qui regarde (le public) et celui qui montre (l’acteur), un mouvement qui crée une relation, un lien basé sur du partageable. Dans nos spectacles, nous souhaitons créer des moments d’authenticité artistique, nous cherchons le sincère plus que le vrai.